Voici la version longue de la tribune publiée dans le Moniteur n°5813 du 24 avril 2015 dont le sujet était : « Faut-il ouvrir le capital des agences d’architecture ? Un temps évoquée par le projet de la loi Macron, l’ouverture totale du capital des sociétés d’architecture à tout investisseur non nécessairement architecte est-elle souhaitable ».
Tout d’abord, il faut arrêter de croire qu’il n’est pas possible aux agences d’architecture d’ouvrir leur capital. Certaines d’entre elles, bien en place, ont déjà cédé 49% de leur capital à des grands groupes, dont la branche architecture n’est plus qu’une filiale. « Ateliers Jean Nouvel » n’est pas une agence d’architecture (code APE 7111Z), mais une entreprise d’ingénierie (code APE 7112B). Tous les moyens légaux existent aujourd’hui pour ouvrir le capital d’une agence. Mais osons aller jusqu’au bout de la démarche.
Cette ouverture du capital, un temps évoquée dans le projet de loi Macron, avait fait hurler le Conseil national de l’ordre des architectes (Cnoa) et les syndicats. Le loup libéral – et européen – du bâtiment (rayer les mentions inutiles) allait entrer dans l’impeccable bergerie des petits artisans de l’architecture. Les architectes allaient être dévorés tout crus et ça en serait fini de l’architecture. C’est exactement l’inverse : le développement, la recherche et le renouvellement des idées (conception, fabrication, etc.) ne peuvent s’accomplir sans moyens humains et financiers. La conséquence est que seuls ceux qui sont déjà installés depuis des décennies disposent de moyens pour l’innovation (et arrêtons de croire que le BIM, c’est l’avenir. Le BIM n’est q’un levier de domination du BIG buisness as usual). Les jeunes attendront d’être plus vieux pour le faire… Par ailleurs, si ce ne sont pas nos architectes qui déploient les modèles de demain, ce seront (comme toujours) des entreprises américaines qui le feront. La profession et particulièrement l’Ordre des architectes ressemblent beaucoup aux taxis G7, tellement sûrs de leur monopole, avant qu’Uber n’arrive sur le marché. On voit le résultat aujourd’hui. Il est temps de réfléchir sérieusement à l’avenir avant de disparaître.
C’est pourquoi, à l’instar des start-up, les agences d’architectures innovantes et créatives qui le souhaitent doivent pouvoir lever des fonds pour se développer*. La proposition faite ici n’est pas tant d’imposer un modèle, qui ne correspond pas à nombre d’architectes qui souhaitent rester tels qu’ils sont, mais de permettre à ceux qui le désirent de pouvoir le faire. Les fonds de plusieurs centaines de milliers d’euros qu’ont réussi à lever certaines start-up n’ont jamais empêché leurs fondateurs d’être libres de leurs agissements ni de leur développement, bien au contraire. Il est temps d’inventer le Tesla de l’architecture.
Avoir peur de l’avenir, avoir peur de la liberté, avoir peur d’inventer : c’est tout ce dont devraient se défier les agences d’architectures. Pour que vivent les architectes et l’architecture, il faut ouvrir notre capital, aussi paradoxal que cela puisse paraître !
*Il faudrait imaginer un statut spécial pour ces agences (présidence de la société obligatoire pour l’architecte, participation limitée dans les prises de décision et choix de l’agence de la part des actionnaires…)
L’ouverture est toujours préférable à la fermeture. On a tendance à se renfermer pour se protéger mais au final la fermeture empêche le renouvellement, le rafraichissement…
Ouvrons le capital et finissons vite avec la profession. A quoi bon mourir d’une mort lente, l’euthanasie épargnera la souffrance de la déchéance.
Quitte à dire des choses dérangeantes…
On voit bien que le métier est menacé, mais plus on fonce dans le mur moins on agit (=se réunit). Pour moi trois raisons à ça :
– L’égo. On a tous l’impression d’être en train d’ouvrir une page de l’architecture, on ne va quand même pas se mélanger avec les autres, c’est dégueu.
– La mentalité de gauche empreinte de morale judéo-chrétienne qui culpabilise de chercher le profit, alors qu’on a besoin de passer par là pour s’assurer une stabilité et pouvoir exprimer son l’architecture plus librement, sans devoir penser à sa survie.
– Le contrat social à la française, dans lequel tout le monde s’en remet à l’état pour changer les choses. Pour les architectes entre papa l’Ordre et maman MAF on est suffisamment protégé/infantilisés pour ne pas avoir envie de se bouger les fesses. Le jour ou le seuil sera supprimé par décret européen t’inquiètes pas qu’on sera tous là pour parler d’ouverture du capital et de groupement d’agences.
Pour le coup l’ordre a fait son taf, retrouvez dans les derniers cahiers de la profession des infos sur des statuts de groupement d’entreprises qui permettent de partager des moyens, effectifs et même des bénéfices/dettes entre agences.
c’est fait « http://www.lemoniteur.fr/article/l-adoption-definitive-de-la-loi-macron-va-bousculer-le-btp-29066860 »