Mon intervention au débat AK 10. French Touch : Clap de fin.


Jeudi dernier, j’ai été invité par Gaëlle Hamonic à intervenir au débat AK 10 dont le thème était French Touch : Clap de fin. Étaient aussi invités Antoine Béal (Béal & Blanckaert architectes), Bernard Bühler (Bernard Bühler architectes), Jean-Patrice Calori (CAB architectes), Nicola Delon (Encore heureux architectes et collectif), Christine Desmoulins (journaliste), Edouard François (Maison Edouard François), Jean-Philippe Hugron (journaliste), Rémy Marciano (agence Rémy Marciano) et Olivier Namias (journaliste d’a). L’objectif annoncé était 5 minutes de présentation et 1 heure de débat. La première partie  a été respectée, mais nous avons tous préféré faire la fête plutôt que de débattre. Petit regret.

Si je publies aujourd’hui, mon intervention, c’est qu’à plusieurs reprises, des architectes et des étudiants en architecture m’ont demandé de la faire. Donc, voici mon texte.

Il y a quelques mois, je critiquais ouvertement sur la page Facebook de mon blog l’Abeille et l’architecte ces débats AK estimant que les organisateurs ne renouvelaient pas souvent les intervenants en invitant toujours les mêmes architectes. Pris à mon propre jeu, me voilà devant vous invité, avec il faut le reconnaitre de nouvelles têtes, mais aussi un « pilier de comptoir », comme Edouard François qui, j’ai vérifié, n’a loupé que le AK 4. Le sujet étant à l’époque, « Images : Sans mensonge, l’architecture est-elle possible ? », il aurait été pourtant sans aucun doute un brillant polémiste.

Mais revenons, au sujet de soir : « French Touch : Clap de fin ». Personnellement, j’aurais rajouté « enfin » dans le titre. « Enfin » pas méchamment, enfin parce qu’il faut une fin à tout. « Enfin » pour ne pas faire l’année de trop. « Enfin » parce que plus personne ne sait pourquoi la French Touch a été créée, qui est-elle, à quoi sert-elle et surtout ce qui serait le plus intéressant, que porte-elle comme message ?

Dans la revue Criticat n°2, Françoise Fromonot dans son article « Le Pavillon noir » rappelle comment de l’échec de Rudy Ricciotti à l’Equerre d’argent pour sa salle de spectacle d’Aix-en-Provence, le débat s’est progressivement déplacé dans un combat entre les architectes « modestes » et les « flamboyants », entre les architectes « du quotidien » et les « gesticulateurs ». Les « gesticulateurs », une centaine d’architecte, ont été jusqu’à signé un communiqué interdisant au groupe Moniteur d’utiliser l’image de leurs bâtiments dans l’annuel AMC 2007.  La guerre était déclarée. Dans la foulée, le collectif French Touch était créé et le premier « annuel optismiste » de l’architecture sortait en librairie. Outre se positionner frontalement à l’Equerre d’argent, le but annoncé était clair «  L’annuel Optimiste d’Architecture a pour volonté de présenter une production française inventive, un foisonnant vivier révélateur de la richesse de l’actualité architecturale, telle qu’elle n’a jamais été montrée. ». En le regardant de plus près, rien de particulier ne différenciait particulièrement l’annuel optimiste de l’annuel AMC, si ce n’est la première année l’absence de doublons. Mais, c’était sans compter la machine à broyer du système médiatique du Moniteur, et les ouailles dissipées de 2007 rentrèrent quasiment toutes au bercail moelleux de la rue d’Uzès, si bien qu’à l’occasion des premiers « Gérard de l’architecture » en 2012, je me moquais ouvertement d’eux avec la question suivante :  Le « Gérard » de l’architecte qui rédigeait une tribune en 2007 pour dénoncer la ligne éditoriale réactionnaire d’AMC mais qui est bien content en 2012 d’être dans le dernier carré des nominés à l’Equerre d’argent…  Depuis pas une année sans qu’un représentant de la French Touch ne soit dans le dernier carré, comme si l’unique récompense après huit ans de travail à sortir l’annuel optimiste avait été d’être reconnu par le diable qu’il combattait, l’horrible groupe Moniteur.

Depuis, la médiatisation autour de la French Touch s’est essoufflée au fur et à mesure des années, il est loin le temps des invitations à France Culture, des articles hagiographiques d’Anne-Marie Fèvre dans Libération et du pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise. L’euthanasie publique organisée ce soir est une bonne chose, ne laissons mourir indignement la French Touch et faisons lui la fête qu’elle mérite tout à l’heure.

En attendant, revenons à l’idée de départ de la v : montrer ce qui n’est pas montré, découvrir ce qui n’a pas été découvert, oser ce qui n’a été pas osé… Un vaste programme, peut-être trop vaste, qui avait aussi pour but de montrer ce que faisaient ceux qui n’avaient pas la chance d’être repérés par les journalistes de l’AMC. Car, il faut le reconnaitre, le nerf de la guerre pour les architectes au-delà de la commande à proprement parlé, c’est d’être publié, reconnu, au-delà même de notre production, au-delà du petite monde de l’architecture. Edouard François colle son visage partout, Hamonic et Masson s’amuse Avenue Foch et moi j’essaye de pendre tout le monde ou de leurs offrir des parpaings d’or (je vous invite à aller voter sur le blog d’ailleurs). Cette course à l’échalote médiatique n’a rien d’honteux en soi, voire même, elle est le symptôme d’une génération d’architectes perdue ou oubliée selon que l’on soit pessimiste ou optimiste.

Lorsque Francis Rambert, directeur de l’Institut français d’architecture, et commissaire de « GénéroCité » à la Biennale de Venise déclarait à propos de la French Touch, « ce collectif n’est pas constitué de militants politiques, ils ne travaillent pas ensemble, mais chacun a sa production, son écriture. Si aucun n’a encore élevé un grand bâtiment spectaculaire, ils inventent une plate-forme pour faire des échanges critiques entre eux, pour fabriquer autrement la ville, ils n’ont pas peur de la forme, de l’ornement, ils n’ont aucun tabou. », il visait juste sur un point : « aucun n’a encore élevé un grand bâtiment spectaculaire », aucun n’a eu accès de grosses commandes institutionnels, à de grands musées, à de grandes bibliothèques… La génération French Touch est toujours dans l’ombre des Nouvel, Perrault, Soler, Decq, de Portzamparc, indéboulonnables enfants des années 80 qui ont tout eu, rien partagé, et qui ne veulent surtout pas partir. J’ai malheureusement l’impression que pour eux, le clap de fin, ce n’est pas pour tout de suite…

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6 réflexions sur “Mon intervention au débat AK 10. French Touch : Clap de fin.

  1. Chère Abeille,

    Profitons de cette tribune offerte pour apporter un petit contrepoint à ceux qui pensent que le nom de French Touch était mal choisi.

    Vrai au début ! En effet, on a pu penser que nous nous étions autopromus et que nous incarnions, à nous seul, l’excellence française alors que nous n’étions que de jeunes loups aux canines affutées et à l’appétit grandissant …

    Faux à la fin ! Parce que notre production, à savoir, une photographique panoramique en pose longue de l’architecture française (7 ans d’annuels, environ 420 projets éparpillés sur tout le territoire français) constitue un état des lieux, forme une véritable collection de projets, révèle une vraie « touche française » à travers la production réalisée de très nombreux architectes.

    French Touch n’est plus seulement le nom de ceux qui l’ont fondé mais un nom générique rassemblant tous ceux qui ont été publiés et qui finissent par représenter cette fameuse architecture française dans toute sa diversité …

    Auquel cas, mis à part l’anglicisme un peu modeux (un point pour toi, Nicola Delon), notre nom n’était pas si mal choisi, non ?

    Pas sur qu’ Encore Heureux soit si facile à porter sur le long terme … sans méchanceté aucune.

    Jean Bocabeille, membre de feu FT

  2. Jean BocABEILLE c’est bien celui qui n’est jamais arrivé à finir le capotage de sa ruche place de la Bastille ?

    Sinon pour une fois je trouve ce compte rendu, très bien, courageux et honnête.

  3. Pour pouvoir s’opposer aux indéboulonnables il faudrait faire une refonte de la façon de concevoir. Or ce n’est pas le cas, les optimistes étant des catalogues d’architecture qui suivent à la lettre la doctrine de l’architecture contemporaine publiée par les journaux traditionnels avec toutes ses règles internationalement acceptées.

    Donc ce n’est effectivement qu’une guerre de visibilité, c’est un peu décevant…

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