Reconnaissons-le, Odile Decq, c’est l’architecte dont tu te souviens plus du look que de l’architecture. En même temps, j’ai envie de dire que c’est bien fait pour elle. En 1986, dans un portrait diffusé sur France 3 Régions, elle déclarait le plus sérieusement du monde : « Le problème n’est pas seulement de savoir travailler et d’être un bon architecte, faut aussi le faire savoir. Donc, c’est à la fois, la présentation de ses projets, le look de ses projets mais c’est aussi son look personnel. En tant qu’architecte, je suis un créateur, bah je le suis aussi sur moi. Je ne m’imagine pas en costume trois-pièces rayé alors que je suis un architecte. » A l’instar des starchitectes épinglés dans la collection Faut-il pendre, la carrière d’Odile Decq repose sur la communication, mais à la différence des trois autres (Jean Nouvel, Edouard François, Rudy Ricciotti) c’est sur son image personnelle et sa qualité de femme-architecte que tout repose. Il suffit de regarder la recherche « Odile Decq » dans Google Image (ci-dessous) pour le comprendre.
Un parcours sans faute mais pas sans soutien.
A partir de mai 1979, Odile Decq devient la » petite main « d’Emmanuel Aboulker chargé d’études pour la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques (MIQCP) puis lauréate de plusieurs bourses, elle sera chargée, toujours par la MIQCP, d’étudier les procédures des commandes publiques en RFA, en Grande-Bretagne et en France. Comme nombres de ses confrères de l’époque (Hammoutène, Perrault, Soler, Hauvette, Jourda et Perraudin, Viguier), ces jeunes architectes chargés d’études ou de mission à la MIQCP seront, dans les années qui suivent, lauréats de nombreux concours (source) et / ou lauréats des Albums des Jeunes Architectes (en 1986 pour Odile Decq). Ainsi, elle construira la Banque populaire de l’Ouest qui sera récompensée de nombreux prix et reconnue internationalement. Mais, ce n’est pas tout, il y’a aussi un homme qui va faire beaucoup pour elle. Son nom : François Bordry. Actuellement, vice-président de la Biennale de Lyon, il occupa successivement et / ou conjointement les postes de président du FRAC Centre (1998-2004), président des Voies Navigables de France – VNF (1994-2008) mais aussi président l’Ecole Spéciale d’Architecture (2007-2010) lorsqu’Odile Decq en était la directrice. De droite mais républicain acharné, Bordry est aussi amateur d’art et d’architecture. C’est lui qui, au FRAC Centre, fera découvrir au « grand public » Odile Decq, Jakob+Mac Farlane, Didier Faustino… ce sont ces mêmes architectes que nous retrouverons quelques années plus tard quai Rambaud à Lyon dont le maître d’ouvrage (de l’aménagement) n’est autre que François Bordry à travers VNF dont il est le président. Hasard ou coïncidence, ce n’est pas là la question, les architectes ont aussi besoin de maître d’ouvrage qui croient en leur potentiel mais lorsqu’Odile Decq, lors de sa conférence de presse préfigurant l’ouverture prochaine d’une école d’architecture à Lyon Confluence, explique qu’elle veut des » des étudiants qui aient la rage, même s’ils n’ont pas le bac! « , il faudrait qu’elle ajoute qu’ils aient eux aussi une bonne étoile doublé d’un » parrain « au bras long.
Une femme des années 80.
Comprenant son époque avant tout le monde, Odile Decq jouera sur 2 tableaux. L’un est architectural : elle se veut être la moderne contre les vieux architectes, elle a pour modèle : Norman Foster et Richard Rogers. Architecturalement, elle n’en changera pas. L’autre tableau est plus particulier : c’est son identité de femme. Elle explique en 1986 comme en 1990 la même chose : les femmes architectes ne seraient cantonnées qu’à l’architecture intérieure et particulièrement l’architecture des cuisines (sic). Cette identité de femme architecte est arrivée à son paroxysme en décembre 2013 où Odile Decq a reçu des mains de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, le prix de la Femme Architecte. On ne comprend pas très bien le sens de ce prix si ce n’est celui d’essentialiser la femme qui aurait, par nature, une approche architecturale propre à sa condition de femme. C’est finalement, avec les meilleures intentions du monde, le retour des femmes-architectes à la cuisine. On ne comprend donc pas très bien pourquoi l’Odile Decq d’aujourd’hui valide cette idéologie qui est à l’opposé de ce que disait Odile Decq jeune. À y regarder de plus près, ce n’est pas si incohérent que cela. Odile Decq n’incarne pas seulement le look des années 80, elle en incarne le phrasé et l’idéologie ou plutôt comme le dit l’historien des idées, François Cusset : la mort des idéologies et donc ses contradictions et ses errements. Son discours s’inscrit dans la grande offensive néo-libérale – rouleau-compresseur idéologique des années 80 : culte du fric, héroïsme de l’entreprise, créativité obligatoire, injonction faite des corps et culture décorative. La démarche de l’école, qu’elle veut créer à Lyon Confluence, est, nous le verrons par la suite, marquée de ce sceau.
Une certaine vision de l’enseignement.
Odile Decq a enseigné à l’Ecole Spéciale d’Architecture (ESA) de 1992 à 1999, avant d’en prendre la direction en 2007 et 2012. Aujourd’hui, ne subsiste aucune trace de ce passage en terme d’enseignement et de sa théorie. En revanche, sa direction à la tête de l’ESA a suscité plus de remous. Dans l’article hagiographique du supplément NEXT de Libération daté de juin 2010, on apprend qu’elle » est pédagogue avec tous les pores de sa peau […] pour cette école, « autogérée, indépendante », elle est capitaine de navire, un peu pirate. Elle la porte à un niveau international, elle qui a enseigné à la Columbia à New York « . La réalité est toute autre. D’Archicool à la revue étudiante » Le petit journal des ignorants et autres irresponsables « (je vous laisse faire la recherche), les tensions entre la directrice et les étudiants ont eu des échos bien au-delà de l’enceinte de l’école du boulevard Raspail. Alors quand elle promet, je cite l’article du Monde daté du 21 février dernier, « une gouvernance très collégiale s’appuyant sur un conseil pédagogique de la vie étudiante, « pour faire remonter l’info ». », les anciens étudiants de l’ESA que j’ai pu interroger rigolent un peu jaune. Il faut quand même imaginer que certains étudiants ont préféré quitter l’établissement suite à différents problèmes. Différentes plaintes des étudiants et de l’ex-directrice auraient même été déposées. Je n’ai pas réussi à savoir si ces plaintes avaient été suivies d’effets.
Mais venons en plutôt au cœur du sujet, celui qui a déclenché la rédaction de ce billet: la création par Odile Decq d’une école d’architecture à Lyon Confluence qui n’en ni le nom ni les prérogatives. Pour résumer simplement, un étudiant » ayant la rage « et de gros moyens financiers est invité à payer 64 000 € une scolarité de 5 ans qui ne délivre rien si ce n’est un bout de papier valable nulle part sauf peut être en tant que stagiaire chez Odile Decq rémunéré un peu plus de 400 € (dans la limite des places disponibles). Et le programme pédagogique me direz-vous ? Si la qualité est là, tant mieux, mais ce serait une nouvelle fois espérer un peu trop de notre Siouxsie Sioux architecturale. Dans son communiqué de presse (ici), on enchaîne les poncifs en anglais (of course): Neurosciences – New technologies – Social Action – Visual Art – Physics. Qu’une architecte ayant enseigné partout dans le monde, dirigé une école, été la seule architecte membre de la concertation sur l’enseignement et la recherche (on ne sait pas pourquoi, elle qui n’a écrit sur l’enseignement) et qu’elle puisse sortir un tel ramassis de novlangue abscons en dit long sur l’école imaginée. L’enseignement en architecture ne s’improvise pas à coups de communiqués de presse et de punchlines de 1984 (l’année et le livre). L’enseignement, ça se prépare, ça s’écrit, ça se théorise, ça se partage, ça se fait collégialement, ça ne se fait pas seule dans son coin parce que, selon Odile Decq, la France serait moisie, à la traîne, pas compétitive… On ne fait pas une école d’architecture par mégalomanie et par ambition personnelle quand pendant 5 ans, on a été incapable de faire les bouger les lignes d’une école comme l’ESA (école la plus libre pédagogiquement de France)… et quand soit-même on a une idée plutôt vague du renouvellement de l’architecture et des ses idées (voir ci-dessous).
Alors que le Syndicat de l’Architecture et d’autres architectes s’inquiètent de la création de cette école, il faut savoir raison garder. D’après mes sources au Grand Lyon et à la SPL (aménageur de La Confluence), aucun terrain n’aurait été acheté par la société « Confluence School of Architecture » et aucun permis de construire n’aurait été déposé pour la création de cette école qui ne rentre absolument pas dans le projet de la ZAC. Cependant, on peut voir sur le site du promoteur Cardinal (que je vous laisse découvrir aussi ici) que ce dernier serait partenaire de l’école. C’est à n’y rien comprendre. Coup de bluff ? Coup d’épée dans l’eau ? Coup médiatique pour faire parler de soi quand le travail se fait rare ? Seule Odile Decq pourrait nous répondre, ce qu’elle n’a pas souhaité faire malgré mes sollicitations. En attendant, il va de soi qu’aucune autorité ministérielle n’autorisera cette pseudo-école à délivrer des diplômes sans que le programme pédagogique ne soit validé par les instances adéquates et qu’aucune VAE (validation des acquis de l’expérience) ne permettra d’obtenir le titre d’HMONP en sortant de cette école. C’est le minimum. Personne n’est contre a priori la création d’une école d’architecture fût-elle privée, encore faut-il qu’elle réponde à un enseignement basé sur un socle commun national et qu’elle n’entraîne pas à terme un enseignement à deux vitesses, l’un public, de moins en moins bien doté du ministère de tutelle – crise oblige – et l’autre, privé, cher, avec toujours plus d’architectes stars qui conférera aux étudiants l’idée que s’ils ont réussi, c’est qu’ils le méritent alors même que, comme le dit avec justesse Walter Benn Michaels dans La diversité contre l’égalité » ce n’est pas parce que que des étudiants ont fréquenté une grande université qu’ils ont réussi, mais parce que leur famille est assez riche pour leur offrir le genre d’environnement et de préparation qui permet d’être admis dans une grande université « . L’architecture est une chose trop sérieuse pour être laissée à une apprentie-sorcière en mal de reconnaissance. Je n’ai ni le cœur à rire ni le cœur à pendre. Ne nous laissons pas prendre au jeu du concept marketing répondant plus aux craintes de parents inquiets de l’avenir de leurs enfants, ni à l’intérêt pseudo-éducatif des ses fondateurs pour une mine d’or potentielle. L’enseignement de l’architecture en France mérite mieux que du strass et des paillettes, palliant à l’absence de politique gouvernementale sur le sujet. N’est décidément pas Bernard Huet qui veut.
Que Madame Decq, architecte et consoeur ait suivie ce parcours quasi obligatoire allant de couloirs en salons pour atteindre à la reconnaissance architecturale, elle le fut en compagnie de tous les autres partageant cette dite reconnaissance, sésame de la commande.
Certes années 80, mais alors elle nous faisait rire à faire fantasmer les vieux costumes bleu marine car ils ne pouvaient laisser échapper leur étonnement et leurs difficultés à la prendre alors au sérieux, mais ils changeaient vite d’avis et se faisaient tendres paons. Je l’ai peu croisée, une fois sur la ligne de Rennes où elle livrait son premier projet pour une Banque de l’Ouest. Assez comique le paradoxe rebelle-finance, donc je pencherais plutôt pour un look catwoman celte électrocutée.
J’ai cru apprendre un jour que son compagnon et associé était décédé dans un accident de voiture dont elle même en avait réchappé de justesse ; personne ne peut sortir indemne d’une telle tragédie, sentiment personnel .
Puis quelques images glanées ça et là de sa production de plus en plus ‘plastique’. Du Decq reconnaissable, quelques évènements de couleur, elle tient sa place forte.
On veut l’écouter, elle donne des cours , on veut son avis, elle l’exprime, on veut même sa structure mentale, on lui file une école d’archi, on veut sa moelle, on lui en taille une nouvelle à sa mesure.
Son Diplôme de X ne vaudra rien professionnellement hors les années passées pour l’obtenir, soit ! mais n’ayant eu accès au ‘process’ pour faire langage plaisir, n’ayant aucune mais aucune idée des leçons à prendre au sein de ce temple dédié à une déesse dont j’ignore les Dieux ; la nature de l’accomplissement de ce parcours initiatique demeurant énigmatique, je m’abstiendrais donc de tout jugement apriori sauf à avoir un bilan négatif de son ‘passage ‘à l’Ecole Spéciale et encore… n’ayant que peu d’intérêt également pour cette officine.
Que l’article présent laisse planer un doute de morale financière sur le mécénat de cette future ‘école’ engendre une suspicion sur des accointances entre une future directrice fondatrice portant le titre d’architecte et certaines volontés d’investissement. Nul ne gouverne innocemment, cher Saint Juste, et l’attaque est frontale.
Le syndicat de l’architecture en est tout bouleversé. ; le grand méchant capital veut formater les futurs producteurs d’une architecture qui est pourtant d’intérêt public. Je saisis mal ! C’est nouveau cet intérêt du privé pour cette chose publique ?
Bref Odile veut sa chapelle et alors ?
60 et plus si affinités jeunots bien taillés et jeunottes bien troussées auront peut-être trouvé leur mère, leur gouroute, leur sainte, leur déesse, leur commandante, leur divine architecte !.
Grand bien leur fasse, nous jugerons sur plans des fruits de leurs révélations sociétales.
Michel Dayot architecte
PS : J’en profite pour annoncer que je ‘donne’ aussi des entretiens privés sur l’architecture pour 100 euros de l’heure ht ; mais que pour l’école, j’hésite encore !
« De droite mais républicain acharné »… ah bon.
En 1998, peu de gens de droite s’était battus contre les alliances RPR-FN aux régionales. Il en faisait parti. C’était courageux à l’époque, aujourd’hui encore. Il s’est quasiment fait virer à cause de cela.
Votre plume irait-elle jusqu’à signer ce texte?
Thibaud Maunoury
En 2 clics, vous trouvez mon nom. Je ne suis pas secret, juste discret.
Allons… « fusse-t-elle » ? Humour ? C’est « fût-elle » qu’il faut écrire, ma chère Abeille.
C’est corrigé.
Ah la jalousie amène vite à la bassesse…
Quel argumentaire.
Hello l’Abeille
Pour s’assurer un avenir Odile Decq s’inspire tout simplement des fameuses ecoles d’architecture Columbia ou Cooper Union: Ramassis de fils/filles de famille , qui se promenent autour du monde lors de leurs etudes, Europe-Asie-Usa …(Paris/Pekin/Rotterdam … c’est faboulousss).Les frais d’etudes exhorbitants garantissent que dès l’inscription, tu feras partie à vie d´un club tres fermé.
J´ai connu plusieurs stagiaires de Columbia « Paris » (succursale branchée Edith Piaf) dans les années 90 … ces petits malins cassaient le marché, travaillant gratuit pour les grandes agences quand au meme moment, les pauvres grouillots franchouillards devaient enchainer les charettes et se demenaient pour revendiquer un maigre statut .
Qu’importe, de retour au pays, leurs relations familiales leur assuraient un avenir radieux. Au moins les anglos-saxons ont moins de pudibonderie et d’hypocrisie quant a l’imbrication entre les affaires et la politique. Pour la petite histoire, j’ai rencontré O. Decq a Venise lors d’un diner il y a quelques années, elle ne m’a pas adressé un regard jusqu’au moment où quelqu’un lui a dit que j’etais en relation avec un grand musée international … de transparent je me suis retrouvé « courtisé » … J’ai vite regretté mon statut de transparence.
Cette initiative est completement logique …
C’est pas sur elle qu’il faut tirer (la langouste reste très humaine…) mais sur le système qui l’a pondue. Ceci dit, faut bien commencer quelque part. Chapeau, pour la collection de liens!
En même temps c’est pas seulement l’archi.
Le dernier rapport PISA de l’OCDE montre que la France est tombé au 22e rang pour les maths (21e pour la lecture et 26e pour les sciences), à cause d’une augmentation très marquée des inégalités entre les pauvres et les riches (pardon, « entre les enfants issus des milieux défavorisés et ceux des classes aisées »).
Curieusement, les autres pays qui prétendent proposer un modèle d’égalité, comme la Grande-Bretagne (23e rang) ou les États-Unis (34e rang) ne font pas meilleure figure.
En revanche, la Chine est nem au beurre oine pour ces trois domaines. Elle n’est certes pas un modèle pour la liberté d’expression, mais peut-être a-t-elle quelque chose à nous enseigner concernant l’égalité des chances de réussite scolaire.
Un petit billet sur les starchitectes chinois ?
Alors elle a ouverte cette école ?????????
alors? finalement à la radio? elle est sympa?